L’assassinat qui met la Tunisie en danger

Drones Are Focus as C.I.A. Nominee Goes Before Senators2013-02-08 Longitude -0.371 Latitude 49.182 Altitude 13 Heure 11h44

À la recherche du temps perdu

Françoise, en effet, qui était depuis des années à son service et ne se doutait pas alors qu’elle entrerait un jour tout à fait au nôtre, délaissait un peu ma tante pendant les mois où nous étions là. Il y avait eu dans mon enfance, avant que nous allions à Combray, quand ma tante Léonie passait encore l’hiver à Paris chez sa mère, un temps où je connaissais si peu Françoise que, le 1er janvier, avant d’entrer chez ma grand’tante, ma mère me mettait dans la main une pièce de cinq francs et me disait : « Surtout ne te trompe pas de personne. Attends pour donner que tu m’entendes dire : « Bonjour Françoise » ; en même temps je te toucherai légèrement le bras. » À peine arrivions-nous dans l’obscure antichambre de ma tante que nous apercevions dans l’ombre, sous les tuyaux d’un bonnet éblouissant, raide et fragile comme s’il avait été de sucre filé, les remous concentriques d’un sourire de reconnaissance anticipé. C’était Françoise, immobile et debout dans l’encadrement de la petite porte du corridor comme une statue de sainte dans sa niche. Quand on était un peu habitué à ces ténèbres de chapelle, on distinguait sur son visage l’amour désintéressé de l’humanité, le respect attendri pour les hautes classes qu’exaltait dans les meilleures régions de son cœur l’espoir des étrennes. Maman me pinçait le bras avec violence et disait d’une voix forte : « Bonjour Françoise. » À ce signal mes doigts s’ouvraient et je lâchais la pièce qui trouvait pour la recevoir une main confuse, mais tendue. Mais depuis que nous allions à Combray je ne connaissais personne mieux que Françoise ; nous étions ses préférés, elle avait pour nous, au moins pendant les premières années, avec autant de considération que pour ma tante, un goût plus vif, parce que nous ajoutions, au prestige de faire partie de la famille (elle avait pour les liens invisibles que noue entre les membres d’une famille la circulation d’un même sang, autant de respect qu’un tragique grec), le charme de n’être pas ses maîtres habituels. Aussi, avec quelle joie elle nous recevait, nous plaignant de n’avoir pas encore plus beau temps, le jour de notre arrivée, la veille de Pâques, où souvent il faisait un vent glacial, quand maman lui demandait des nouvelles de sa fille et de ses neveux, si son petit-fils était gentil, ce qu’on comptait faire de lui, s’il ressemblerait à sa grand’mère.