Le plan de l’UMP pour déstabiliser Manuel Valls

Justices Say Time May Be Wrong for Gay Marriage Case2013-03-27 Longitude -0.371 Latitude 49.182 Altitude 29 Heure 14h13

À la recherche du temps perdu

Le curé avait tellement fatigué ma tante qu’à peine était-il parti, elle était obligée de renvoyer Eulalie.
– Tenez, ma pauvre Eulalie, disait-elle d’une voix faible, en tirant une pièce d’une petite bourse qu’elle avait à portée de sa main, voilà pour que vous ne m’oubliiez pas dans vos prières.
– Ah ! mais, madame Octave, je ne sais pas si je dois, vous savez bien que ce n’est pas pour cela que je viens ! disait Eulalie avec la même hésitation et le même embarras, chaque fois, que si c’était la première, et avec une apparence de mécontentement qui égayait ma tante mais ne lui déplaisait pas, car si un jour Eulalie, en prenant la pièce, avait un air un peu moins contrarié que de coutume, ma tante disait :
– Je ne sais pas ce qu’avait Eulalie ; je lui ai pourtant donné la même chose que d’habitude, elle n’avait pas l’air contente.
– Je crois qu’elle n’a pourtant pas à se plaindre, soupirait Françoise, qui avait une tendance à considérer comme de la menue monnaie tout ce que lui donnait ma tante pour elle ou pour ses enfants, et comme des trésors follement gaspillés pour une ingrate les piécettes mises chaque dimanche dans la main d’Eulalie, mais si discrètement que Françoise n’arrivait jamais à les voir. Ce n’est pas que l’argent que ma tante donnait à Eulalie, Françoise l’eût voulu pour elle. Elle jouissait suffisamment de ce que ma tante possédait, sachant que les richesses de la maîtresse du même coup élèvent et embellissent aux yeux de tous sa servante ; et qu’elle, Françoise, était insigne et glorifiée dans Combray, Jouy-le-Vicomte et autres lieux, pour les nombreuses fermes de ma tante, les visites fréquentes et prolongées du curé, le nombre singulier des bouteilles d’eau de Vichy consommées. Elle n’était avare que pour ma tante ; si elle avait géré sa fortune, ce qui eût été son rêve, elle l’aurait préservée des entreprises d’autrui avec une férocité maternelle. Elle n’aurait pourtant pas trouvé grand mal à ce que ma tante, qu’elle savait incurablement généreuse, se fût laissée aller à donner, si au moins ç’avait été à des riches. Peut-être pensait-elle que ceux-là, n’ayant pas besoin des cadeaux de ma tante, ne pouvaient être soupçonnés de l’aimer à cause d’eux. D’ailleurs offerts à des personnes d’une grande position de fortune, à Mme Sazerat, à M. Swann, à M. Legrandin, à Mme Goupil, à des personnes « de même rang » que ma tante et qui « allaient bien ensemble », ils lui apparaissaient comme faisant partie des usages de cette vie étrange et brillante des gens riches qui chassent, se donnent des bals, se font des visites et qu’elle admirait en souriant. Mais il n’en allait plus de même si les bénéficiaires de la générosité de ma tante étaient de ceux que Françoise appelait « des gens comme moi, des gens qui ne sont pas plus que moi » et qui étaient ceux qu’elle méprisait le plus à moins qu’ils ne l’appelassent « Madame Françoise » et ne se considérassent comme étant « moins qu’elle ». Et quand elle vit que, malgré ses conseils, ma tante n’en faisait qu’à sa tête et jetait l’argent – Françoise le croyait du moins – pour des créatures indignes, elle commença à trouver bien petits les dons que ma tante lui faisait en comparaison des sommes imaginaires prodiguées à Eulalie. Il n’y avait pas dans les environs de Combray de ferme si conséquente que Françoise ne supposât qu’Eulalie eût pu facilement l’acheter, avec tout ce que lui rapporteraient ses visites. Il est vrai qu’Eulalie faisait la même estimation des richesses immenses et cachées de Françoise. Habituellement, quand Eulalie était partie, Françoise prophétisait sans bienveillance sur son compte. Elle la haïssait, mais elle la craignait et se croyait tenue, quand elle était là, à lui faire « bon visage ». Elle se rattrapait après son départ, sans la nommer jamais à vrai dire, mais en proférant, en oracles sibyllins, des sentences d’un caractère général telles que celles de l’Ecclésiaste, mais dont l’application ne pouvait échapper à ma tante. Après avoir regardé par le coin du rideau si Eulalie avait refermé la porte : « Les personnes flatteuses savent se faire bien venir et ramasser les pépettes ; mais patience, le bon Dieu les punit toutes par un beau jour », disait-elle, avec le regard latéral et l’insinuation de Joas pensant exclusivement à Athalie quand il dit :
Le bonheur des méchants comme un torrent s’écoule.