Shimon Pérès exhorte l’Europe à rompre avec le Hezbollah

Google Admits Drive-By Data Collection Was Privacy Breach2013-03-13 Longitude -0.360578 Latitude 49.168919 Altitude 29 Heure 13h01

À la recherche du temps perdu

La rue Sainte-Hildegarde tournait trop court pour qu’on pût voir venir de loin, et c’était par cette fente entre les deux maisons de l’avenue de la gare qu’on apercevait toujours de nouveaux casques courant et brillant au soleil. Le jardinier aurait voulu savoir s’il y en avait encore beaucoup à passer, et il avait soif, car le soleil tapait. Alors tout d’un coup sa fille s’élançait comme d’une place assiégée, faisait une sortie, atteignait l’angle de la rue, et après avoir bravé cent fois la mort, venait nous rapporter, avec une carafe de coco, la nouvelle qu’ils étaient bien un mille qui venaient sans arrêter du côté de Thiberzy et de Méséglise. Françoise et le jardinier, réconciliés, discutaient sur la conduite à tenir en cas de guerre :
– Voyez-vous, Françoise, disait le jardinier, la révolution vaudrait mieux, parce que quand on la déclare il n’y a que ceux qui veulent partir qui y vont.
– Ah ! oui, au moins je comprends cela, c’est plus franc.
Le jardinier croyait qu’à la déclaration de guerre on arrêtait tous les chemins de fer.
– Pardi, pour pas qu’on se sauve, disait Françoise.
Et le jardinier : « Ah ! ils sont malins », car il n’admettait pas que la guerre ne fût pas une espèce de mauvais tour que l’État essayait de jouer au peuple et que, si on avait eu le moyen de le faire, il n’est pas une seule personne qui n’eût filé.
Mais Françoise se hâtait de rejoindre ma tante, je retournais à mon livre, les domestiques se réinstallaient devant la porte à regarder tomber la poussière et l’émotion qu’avaient soulevées les soldats. Longtemps après que l’accalmie était venue, un flot inaccoutumé de promeneurs noircissait encore les rues de Combray. Et devant chaque maison, même celles où ce n’était pas l’habitude, les domestiques ou même les maîtres, assis et regardant, festonnaient le seuil d’un liséré capricieux et sombre comme celui des algues et des coquilles dont une forte marée laisse le crêpe et la broderie au rivage, après qu’elle s’est éloignée.
Sauf ces jours-là, je pouvais d’habitude, au contraire, lire tranquille. Mais l’interruption et le commentaire qui furent apportés une fois par une visite de Swann à la lecture que j’étais en train de faire du livre d’un auteur tout nouveau pour moi, Bergotte, eut cette conséquence que, pour longtemps, ce ne fut plus sur un mur décoré de fleurs violettes en quenouille, mais sur un fond tout autre, devant le portail d’une cathédrale gothique, que se détacha désormais l’image d’une des femmes dont je rêvais.