Baisse historique du pouvoir d’achat en France en 2012

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À la recherche du temps perdu

Mais quand le curé était venu aussi et que sa visite interminable avait épuisé les forces de ma tante, Françoise sortait de la chambre derrière Eulalie et disait :
– Madame Octave, je vous laisse reposer, vous avez l’air beaucoup fatiguée.
Et ma tante ne répondait même pas, exhalant un soupir qui semblait devoir être le dernier, les yeux clos, comme morte. Mais à peine Françoise était-elle descendue que quatre coups donnés avec la plus grande violence retentissaient dans la maison et ma tante, dressée sur son lit, criait :
– Est-ce qu’Eulalie est déjà partie ? Croyez-vous que j’ai oublié de lui demander si Mme Goupil était arrivée à la messe avant l’élévation ! Courez vite après elle !
Mais Françoise revenait n’ayant pu rattraper Eulalie.
– C’est contrariant, disait ma tante en hochant la tête. La seule chose importante que j’avais à lui demander !
Ainsi passait la vie pour ma tante Léonie, toujours identique, dans la douce uniformité de ce qu’elle appelait avec un dédain affecté et une tendresse profonde, son « petit traintrain ». Préservé par tout le monde, non seulement à la maison, où chacun ayant éprouvé l’inutilité de lui conseiller une meilleure hygiène, s’était peu à peu résigné à le respecter, mais même dans le village où, à trois rues de nous, l’emballeur, avant de clouer ses caisses, faisait demander à Françoise si ma tante ne « reposait pas » – ce traintrain fut pourtant troublé une fois cette année-là. Comme un fruit caché qui serait parvenu à maturité sans qu’on s’en aperçût et se détacherait spontanément, survint une nuit la délivrance de la fille de cuisine. Mais ses douleurs étaient intolérables, et comme il n’y avait pas de sage-femme à Combray, Françoise dut partir avant le jour en chercher une à Thiberzy. Ma tante, à cause des cris de la fille de cuisine, ne put reposer, et Françoise, malgré la courte distance, n’étant revenue que très tard, lui manqua beaucoup. Aussi, ma mère me dit-elle dans la matinée : « Monte donc voir si ta tante n’a besoin de rien. » J’entrai dans la première pièce et, par la porte ouverte, vis ma tante, couchée sur le côté, qui dormait ; je l’entendis ronfler légèrement. J’allais m’en aller doucement, mais sans doute le bruit que j’avais fait était intervenu dans son sommeil et en avait « changé la vitesse », comme on dit pour les automobiles, car la musique du ronflement s’interrompit une seconde et reprit un ton plus bas, puis elle s’éveilla et tourna à demi son visage que je pus voir alors ; il exprimait une sorte de terreur ; elle venait évidemment d’avoir un rêve affreux ; elle ne pouvait me voir de la façon dont elle était placée, et je restais là ne sachant si je devais m’avancer ou me retirer ; mais déjà elle semblait revenue au sentiment de la réalité et avait reconnu le mensonge des visions qui l’avaient effrayée ; un sourire de joie, de pieuse reconnaissance envers Dieu qui permet que la vie soit moins cruelle que les rêves, éclaira faiblement son visage, et avec cette habitude qu’elle avait prise de se parler à mi-voix à elle-même quand elle se croyait seule, elle murmura : « Dieu soit loué ! nous n’avons comme tracas que la fille de cuisine qui accouche. Voilà-t-il pas que je rêvais que mon pauvre Octave était ressuscité et qu’il voulait me faire faire une promenade tous les jours ! » Sa main se tendit vers son chapelet qui était sur la petite table, mais le sommeil recommençant ne lui laissa pas la force de l’atteindre : elle se rendormit, tranquillisée, et je sortis à pas de loup de la chambre sans qu’elle ni personne eût jamais appris ce que j’avais entendu.