Argent, fisc et politique : la France et l’UE veulent moraliser les pratiques

Invoking Newtown Dead, Obama Presses Gun Laws2013-04-09 Longitude -0.371 Latitude 49.182 Altitude 29 Heure 12h34

À la recherche du temps perdu

Et certes cela ne veut pas dire que M. Legrandin ne fût pas sincère quand il tonnait contre les snobs. Il ne pouvait pas savoir, au moins par lui-même, qu’il le fût, puisque nous ne connaissons jamais que les passions des autres, et que ce que nous arrivons à savoir des nôtres, ce n’est que d’eux que nous avons pu l’apprendre. Sur nous, elles n’agissent que d’une façon seconde, par l’imagination qui substitue aux premiers mobiles des mobiles de relais qui sont plus décents. Jamais le snobisme de Legrandin ne lui conseillait d’aller voir souvent une duchesse. Il chargeait l’imagination de Legrandin de lui faire apparaître cette duchesse comme parée de toutes les grâces. Legrandin se rapprochait de la duchesse, s’estimant de céder à cet attrait de l’esprit et de la vertu qu’ignorent les infâmes snobs. Seuls les autres savaient qu’il en était un ; car, grâce à l’incapacité où ils étaient de comprendre le travail intermédiaire de son imagination, ils voyaient en face l’une de l’autre l’activité mondaine de Legrandin et sa cause première.
Maintenant, à la maison, on n’avait plus aucune illusion sur M. Legrandin, et nos relations avec lui s’étaient fort espacées. Maman s’amusait infiniment chaque fois qu’elle prenait Legrandin en flagrant délit du péché qu’il n’avouait pas, qu’il continuait à appeler le péché sans rémission, le snobisme. Mon père, lui, avait de la peine à prendre les dédains de Legrandin avec tant de détachement et de gaîté ; et quand on pensa une année à m’envoyer passer les grandes vacances à Balbec avec ma grand’mère, il dit : « Il faut absolument que j’annonce à Legrandin que vous irez à Balbec, pour voir s’il vous offrira de vous mettre en rapport avec sa sœur. Il ne doit pas se souvenir nous avoir dit qu’elle demeurait à deux kilomètres de là. » Ma grand’mère qui trouvait qu’aux bains de mer il faut être du matin au soir sur la plage à humer le sel et qu’on n’y doit connaître personne, parce que les visites, les promenades sont autant de pris sur l’air marin, demandait au contraire qu’on ne parlât pas de nos projets à Legrandin, voyant déjà sa sœur, Mme de Cambremer, débarquant à l’hôtel au moment où nous serions sur le point d’aller à la pêche et nous forçant à rester enfermés pour la recevoir. Mais maman riait de ses craintes, pensant à part elle que le danger n’était pas si menaçant, que Legrandin ne serait pas si pressé de nous mettre en relations avec sa sœur. Or, sans qu’on eût besoin de lui parler de Balbec, ce fut lui-même, Legrandin, qui, ne se doutant pas que nous eussions jamais l’intention d’aller de ce côté, vint se mettre dans le piège un soir où nous le rencontrâmes au bord de la Vivonne.