L' » offensive  » à petits pas de François Hollande

President Seeks Path Forward Beyond Troubles2013-05-18 Longitude -0.371 Latitude 49.182 Altitude 29 Heure 11h59

À la recherche du temps perdu

Mais au fur et à mesure que les « camarades » avaient pris plus de place dans la vie de Mme Verdurin, les ennuyeux, les réprouvés, ce fut tout ce qui retenait les amis loin d’elle, ce qui les empêchait quelquefois d’être libres, ce fut la mère de l’un, la profession de l’autre, la maison de campagne ou la mauvaise santé d’un troisième. Si le docteur Cottard croyait devoir partir en sortant de table pour retourner auprès d’un malade en danger : « Qui sait, lui disait Mme Verdurin, cela lui fera peut-être beaucoup plus de bien que vous n’alliez pas le déranger ce soir ; il passera une bonne nuit sans vous ; demain matin vous irez de bonne heure et vous le trouverez guéri. » Dès le commencement de décembre, elle était malade à la pensée que les fidèles « lâcheraient » pour le jour de Noël et le 1er janvier. La tante du pianiste exigeait qu’il vînt dîner ce jour-là en famille chez sa mère à elle :
– Vous croyez qu’elle en mourrait, votre mère, s’écria durement Mme Verdurin, si vous ne dîniez pas avec elle le jour de l’an, comme en province !
Ses inquiétudes renaissaient à la semaine sainte :
– Vous, docteur, un savant, un esprit fort, vous venez naturellement le Vendredi saint comme un autre jour ? dit-elle à Cottard la première année, d’un ton assuré comme si elle ne pouvait douter de la réponse. Mais elle tremblait en attendant qu’il l’eût prononcée, car s’il n’était pas venu, elle risquait de se trouver seule.
– Je viendrai le Vendredi saint… vous faire mes adieux car nous allons passer les fêtes de Pâques en Auvergne.
– En Auvergne ? pour vous faire manger par les puces et la vermine, grand bien vous fasse !
Et après un silence :
– Si vous nous l’aviez dit au moins, nous aurions tâché d’organiser cela et de faire le voyage ensemble dans des conditions confortables.
De même si un « fidèle » avait un ami, ou une « habituée » un flirt qui serait capable de le faire « lâcher » quelquefois, les Verdurin, qui ne s’effrayaient pas qu’une femme eût un amant pourvu qu’elle l’eût chez eux, l’aimât en eux, et ne le leur préférât pas, disaient : « Eh bien ! amenez-le votre ami. » Et on l’engageait à l’essai, pour voir s’il était capable de ne pas avoir de secrets pour Mme Verdurin, s’il était susceptible d’être agrégé au « petit clan ». S’il ne l’était pas, on prenait à part le fidèle qui l’avait présenté et on lui rendait le service de le brouiller avec son ami ou avec sa maîtresse. Dans le cas contraire, le « nouveau » devenait à son tour un fidèle. Aussi quand cette année-là, la demi-mondaine raconta à M. Verdurin qu’elle avait fait la connaissance d’un homme charmant, M. Swann, et insinua qu’il serait très heureux d’être reçu chez eux, M. Verdurin transmit-il séance tenante la requête à sa femme. (Il n’avait jamais d’avis qu’après sa femme, dont son rôle particulier était de mettre à exécution les désirs, ainsi que les désirs des fidèles, avec de grandes ressources d’ingéniosité.)
– Voici Mme de Crécy qui a quelque chose à te demander. Elle désirerait te présenter un de ses amis, M. Swann. Qu’en dis-tu ?
– Mais voyons, est-ce qu’on peut refuser quelque chose à une petite perfection comme ça. Taisez-vous, on ne vous demande pas votre avis, je vous dis que vous êtes une perfection.
– Puisque vous le voulez, répondit Odette sur un ton de marivaudage, et elle ajouta : vous savez que je ne suis pas « fishing for compliments ».
– Eh bien ! amenez-le votre ami, s’il est agréable.