Affaire Lagarde : l’Etat prêt à contester l’arbitrage favorable à Bernard Tapie

Obama, in a Shift, to Limit Targets of Drone Strikes2013-05-23 Longitude -0.371 Latitude 49.182 Altitude 29 Heure 13h31

À la recherche du temps perdu

– « Moi, je n’ai jamais rien à faire ! Je suis toujours libre, je le serai toujours pour vous. À n’importe quelle heure du jour ou de la nuit où il pourrait vous être commode de me voir, faites-moi chercher, et je serai trop heureuse d’accourir. Le ferez-vous ? Savez-vous ce qui serait gentil, ce serait de vous faire présenter à Mme Verdurin chez qui je vais tous les soirs. Croyez-vous ! si on s’y retrouvait et si je pensais que c’est un peu pour moi que vous y êtes ! »
Et sans doute, en se rappelant ainsi leurs entretiens, en pensant ainsi à elle quand il était seul, il faisait seulement jouer son image entre beaucoup d’autres images de femmes dans des rêveries romanesques ; mais si, grâce à une circonstance quelconque (ou même peut-être sans que ce fût grâce à elle, la circonstance qui se présente au moment où un état, latent jusque-là, se déclare, pouvant n’avoir influé en rien sur lui) l’image d’Odette de Crécy venait à absorber toutes ces rêveries, si celles-ci n’étaient plus séparables de son souvenir, alors l’imperfection de son corps ne garderait plus aucune importance, ni qu’il eût été, plus ou moins qu’un autre corps, selon le goût de Swann, puisque devenu le corps de celle qu’il aimait, il serait désormais le seul qui fût capable de lui causer des joies et des tourments.
Mon grand-père avait précisément connu, ce qu’on n’aurait pu dire d’aucun de leurs amis actuels, la famille de ces Verdurin. Mais il avait perdu toute relation avec celui qu’il appelait le « jeune Verdurin » et qu’il considérait, un peu en gros, comme tombé – tout en gardant de nombreux millions – dans la bohème et la racaille. Un jour il reçut une lettre de Swann lui demandant s’il ne pourrait pas le mettre en rapport avec les Verdurin : « À la garde ! à la garde ! s’était écrié mon grand-père, ça ne m’étonne pas du tout, c’est bien par là que devait finir Swann. Joli milieu ! D’abord je ne peux pas faire ce qu’il me demande parce que je ne connais plus ce monsieur. Et puis ça doit cacher une histoire de femme, je ne me mêle pas de ces affaires-là. Ah bien ! nous allons avoir de l’agrément si Swann s’affuble des petits Verdurin. »
Et sur la réponse négative de mon grand-père, c’est Odette qui avait amené elle-même Swann chez les Verdurin.
Les Verdurin avaient eu à dîner, le jour où Swann y fit ses débuts, le docteur et Mme Cottard, le jeune pianiste et sa tante, et le peintre qui avait alors leur faveur, auxquels s’étaient joints dans la soirée quelques autres fidèles.
Le docteur Cottard ne savait jamais d’une façon certaine de quel ton il devait répondre à quelqu’un, si son interlocuteur voulait rire ou était sérieux. Et à tout hasard il ajoutait à toutes ses expressions de physionomie l’offre d’un sourire conditionnel et provisoire dont la finesse expectante le disculperait du reproche de naïveté, si le propos qu’on lui avait tenu se trouvait avoir été facétieux. Mais comme pour faire face à l’hypothèse opposée il n’osait pas laisser ce sourire s’affirmer nettement sur son visage, on y voyait flotter perpétuellement une incertitude où se lisait la question qu’il n’osait pas poser : « Dites-vous cela pour de bon ? » Il n’était pas plus assuré de la façon dont il devait se comporter dans la rue, et même en général dans la vie, que dans un salon, et on le voyait opposer aux passants, aux voitures, aux événements un malicieux sourire qui ôtait d’avance à son attitude toute impropriété, puisqu’il prouvait, si elle n’était pas de mise, qu’il le savait bien et que s’il avait adopté celle-là, c’était par plaisanterie.
Sur tous les points cependant où une franche question lui semblait permise, le docteur ne se faisait pas faute de s’efforcer de restreindre le champ de ses doutes et de compléter son instruction.
C’est ainsi que, sur les conseils qu’une mère prévoyante lui avait donnés quand il avait quitté sa province, il ne laissait jamais passer soit une locution ou un nom propre qui lui étaient inconnus sans tâcher de se faire documenter sur eux.