En France, 900 000 jeunes en déshérence

As Syrians Fight, Sectarian Strife Infects Mideast2013-06-02 Longitude -0.371 Latitude 49.182 Altitude 29 Heure 11h22

À la recherche du temps perdu

Même à une ou deux remarques particulières que fit Swann sur sa phrase préférée :
– Tiens, c’est amusant, je n’avais jamais fait attention ; je vous dirai que je n’aime pas beaucoup chercher la petite bête et m’égarer dans des pointes d’aiguille ; on ne perd pas son temps à couper les cheveux en quatre ici, ce n’est pas le genre de la maison, répondit Mme Verdurin, que le docteur Cottard regardait avec une admiration béate et un zèle studieux se jouer au milieu de ce flot d’expressions toutes faites. D’ailleurs lui et Mme Cottard, avec une sorte de bon sens comme en ont aussi certaines gens du peuple, se gardaient bien de donner une opinion ou de feindre l’admiration pour une musique qu’ils s’avouaient l’un à l’autre, une fois rentrés chez eux, ne pas plus comprendre que la peinture de « M. Biche ». Comme le public ne connaît du charme, de la grâce, des formes de la nature que ce qu’il en a puisé dans les poncifs d’un art lentement assimilé, et qu’un artiste original commence par rejeter ces poncifs, M. et Mme Cottard, image en cela du public, ne trouvaient ni dans la sonate de Vinteuil, ni dans les portraits du peintre, ce qui faisait pour eux l’harmonie de la musique et la beauté de la peinture. Il leur semblait quand le pianiste jouait la sonate qu’il accrochait au hasard sur le piano des notes que ne reliaient pas en effet les formes auxquelles ils étaient habitués, et que le peintre jetait au hasard des couleurs sur ses toiles. Quand, dans celles-ci, ils pouvaient reconnaître une forme, ils la trouvaient alourdie et vulgarisée (c’est-à-dire dépourvue de l’élégance de l’école de peinture à travers laquelle ils voyaient, dans la rue même, les êtres vivants), et sans vérité, comme si M. Biche n’eût pas su comment était construite une épaule et que les femmes n’ont pas les cheveux mauves.
Pourtant les fidèles s’étant dispersés, le docteur sentit qu’il y avait là une occasion propice et pendant que Mme Verdurin disait un dernier mot sur la sonate de Vinteuil, comme un nageur débutant qui se jette à l’eau pour apprendre, mais choisit un moment où il n’y a pas trop de monde pour le voir :
– Alors, c’est ce qu’on appelle un musicien di primo cartello ! s’écria-t-il avec une brusque résolution.
Swann apprit seulement que l’apparition récente de la sonate de Vinteuil avait produit une grande impression dans une école de tendances très avancées, mais était entièrement inconnue du grand public.
– Je connais bien quelqu’un qui s’appelle Vinteuil, dit Swann, en pensant au professeur de piano des sœurs de ma grand’mère.
– C’est peut-être lui, s’écria Mme Verdurin.
– Oh ! non, répondit Swann en riant. Si vous l’aviez vu deux minutes, vous ne vous poseriez pas la question.
– Alors poser la question, c’est la résoudre ? dit le docteur.
– Mais ce pourrait être un parent, reprit Swann, cela serait assez triste, mais enfin un homme de génie peut être le cousin d’une vieille bête. Si cela était, j’avoue qu’il n’y a pas de supplice que je ne m’imposerais pour que la vieille bête me présentât à l’auteur de la sonate : d’abord le supplice de fréquenter la vieille bête, et qui doit être affreux.
Le peintre savait que Vinteuil était à ce moment très malade et que le docteur Potain craignait de ne pouvoir le sauver.
– Comment, s’écria Mme Verdurin, il y a encore des gens qui se font soigner par Potain !
– Ah ! madame Verdurin, dit Cottard, sur un ton de marivaudage, vous oubliez que vous parlez d’un de mes confrères, je devrais dire un de mes maîtres.