La France dans l’impasse malienne

Discord Remains at Vatican as Pope Benedict Departs2013-03-01 Longitude -0.371 Latitude 49.182 Altitude 13 Heure 16h31

À la recherche du temps perdu

Aussi – sous le prétexte qu’une leçon qui avait été déplacée tombait maintenant si mal qu’elle m’avait empêché plusieurs fois et m’empêcherait encore de voir mon oncle – un jour, autre que celui qui était réservé aux visites que nous lui faisions, profitant de ce que mes parents avaient déjeuné de bonne heure, je sortis et au lieu d’aller regarder la colonne d’affiches, pour quoi on me laissait aller seul, je courus jusqu’à lui. Je remarquai devant sa porte une voiture attelée de deux chevaux qui avaient aux œillères un œillet rouge comme avait le cocher à sa boutonnière. De l’escalier j’entendis un rire et une voix de femme, et dès que j’eus sonné, un silence, puis le bruit de portes qu’on fermait. Le valet de chambre vint ouvrir, et en me voyant parut embarrassé, me dit que mon oncle était très occupé, ne pourrait sans doute pas me recevoir, et, tandis qu’il allait pourtant le prévenir, la même voix que j’avais entendue disait : « Oh, si ! laisse-le entrer ; rien qu’une minute, cela m’amuserait tant. Sur la photographie qui est sur ton bureau, il ressemble tant à sa maman, ta nièce, dont la photographie est à côté de la sienne, n’est-ce pas ? Je voudrais le voir rien qu’un instant, ce gosse. »
J’entendis mon oncle grommeler, se fâcher ; finalement le valet de chambre me fit entrer.
Sur la table, il y avait la même assiette de massepains que d’habitude ; mon oncle avait sa vareuse de tous les jours, mais en face de lui, en robe de soie rose avec un grand collier de perles au cou, était assise une jeune femme qui achevait de manger une mandarine. L’incertitude où j’étais s’il fallait dire madame ou mademoiselle me fit rougir et, n’osant pas trop tourner les yeux de son côté de peur d’avoir à lui parler, j’allai embrasser mon oncle. Elle me regardait en souriant, mon oncle lui dit : « Mon neveu », sans lui dire mon nom, ni me dire le sien, sans doute parce que, depuis les difficultés qu’il avait eues avec mon grand-père, il tâchait autant que possible d’éviter tout trait d’union entre sa famille et ce genre de relations.
– Comme il ressemble à sa mère, dit-elle.
– Mais vous n’avez jamais vu ma nièce qu’en photographie, dit vivement mon oncle d’un ton bourru.
– Je vous demande pardon, mon cher ami, je l’ai croisée dans l’escalier l’année dernière quand vous avez été si malade. Il est vrai que je ne l’ai vue que le temps d’un éclair et que votre escalier est bien noir, mais cela m’a suffi pour l’admirer. Ce petit jeune homme a ses beaux yeux et aussi ça, dit-elle, en traçant avec son doigt une ligne sur le bas de son front. Est-ce que madame votre nièce porte le même nom que vous, ami ? demanda-t-elle à mon oncle.
– Il ressemble surtout à son père, grogna mon oncle qui ne se souciait pas plus de faire des présentations à distance en disant le nom de maman que d’en faire de près. C’est tout à fait son père et aussi ma pauvre mère.
– Je ne connais pas son père, dit la dame en rose avec une légère inclinaison de tête, et je n’ai jamais connu votre pauvre mère, mon ami. Vous vous souvenez, c’est peu après votre grand chagrin que nous nous sommes connus.